Devenir “ SMART” à St-Martin…( reportage )

Par Nathalie De Grandmont

La semaine dernière, toute l’île de Saint-Martin est devenue « SMART » l’espace de quelques jours, alors que se déroulait la neuvième édition de ce rendez-vous annuel, qui permet aux acheteurs de rencontrer de nombreux fournisseurs, en provenance de plusieurs îles du nord-est des Caraibes. Certes, il faut reconnaître que cet événement ne possède en rien l’ampleur du Tianguis mexicain ou du FIT Cuba, par exemple; mais en conférence de presse, les organisateurs néerlandais et français unissaient leurs voix pour annoncer que le SMART « est devenu une tradition qui est là pour rester ».

… Car dans cette île partagée par deux pays et deux offices de tourisme qui font souvent les choses chacun de leur côté, le SMART a au moins le mérite d’ être organisé conjointement par les deux parties à la fois! En conférence de presse, les organisateurs ont confirmé que le SMART n’était pas un événement lucratif pour l’île mais un investissement, auquel contribuaient cette année les deux offices de tourisme et leurs regroupements hôteliers respectifs. Même si on devinait qu’en coulisses, l’harmonie ne devait pas toujours être facile à atteindre, en avant-scène, les Néerlandais et les Français se sont bel et bien partagé les discours et l’accueil des différentes soirées et événements, en alternance.

Idem pour le lieu hôte : après s’être déroulé l’an dernier au nouvel hôtel Radisson qui venait d’ouvrir ses portes (à l’anse Marcel, dans la partie française), le SMART 2010 se déroulait donc cette fois dans la partie néerlandaise : à l’ hôtel Sonesta Maho Beach Resort & Casino, que les Québécois connaissent assez bien puisqu’ il est proposé par les fournisseurs d’ ici, depuis plusieurs années.
Cette année, le SMART accueillait une trentaine d’acheteurs étrangers, provenant notamment du Brésil, de la France, de l’Allemagne, des Etats-Unis et du Canada (de l’Ontario, essentiellement).

Mais comme le rappelaient les organisateurs, « le SMART donne surtout l’occasion aux acheteurs de rencontrer, au même endroit, plusieurs fournisseurs de nombreuses îles voisines.» Cette année, la foire commerciale réunissait en effet une cinquantaine de fournisseurs : représentant des compagnies aériennes (Jet Blue et Wynair, notamment), des attraits, plusieurs hôtels de Saint-Martin, St-Maarten, Saint-Barthélémy et d’Anguilla, ainsi que les offices de tourisme de Saba et de Saint-Eustatius, deux autres petites îles des Antilles néerlandaises, aisément accessibles via l’un ou l’ autre côté de l’ île. Plusieurs des participants interrogés avouaient apprécier beaucoup le fait que le SMART se déroule sur deux jours (plus efficace, droit au but!) et qu’il ne rassemble pas trop de délégués. « Cette ambiance sympathique permet de rencontrer vraiment tout le monde et d’établir des contacts très efficaces, à la foire elle-même ou dans le cadre des soirées d’ouverture et de fermeture; » expliquaient Christian Letourneur et Baptiste Depois, deux jeunes entrepreneurs français qui s’apprêtent à lancer un nouvel attrait de découverte sous-marine, dans quelques mois. Ce sentiment était aussi partagé par plusieurs directeurs d’office de tourisme et hôteliers.

Plus d’arrivées aériennes et plus de Canadiens

En conférence de presse, les organisateurs du SMART ont souligné qu’après une année plutôt difficile (2009, année de crise qui a fait diminuer le nombre de visiteurs américains, notamment), les perspectives de 2010 s’annonçaient nettement plus encourageantes. Rappelons que bon an mal an, la partie néerlandaise de l’île (St-Maarten) accueille généralement autour de 1.3 millions de visiteurs, qui accostent à son terminal de croisières très achalandé. A cela s’ajoutent près d’ 1 million de visiteurs qui y arrivent par la voie aérienne. D’ ailleurs, disaient aussi les porte-parole des offices de tourisme, l’ aéroport international Princess Juliana (situé à St-Maarten lui aussi) serait le deuxième plus achalandé des Caraibes, après celui de Puerto Rico.

Mais comme le soulignaient Edward Dest, directeur du marketing de l’office de tourisme de St-Maarten et Corinne Picaut, directrice de l’office de tourisme de Saint-Martin, l’ensemble de l’ île a connu un bon premier trimestre 2010, enregistrant une augmentation de 7.9% des arrivées aériennes et une augmentation de 5.7% du taux d’ occupation des hôtels. Bien que les Américains représentent à eux seuls près de 47.5% des arrivées aériennes, les visiteurs Canadiens ont aussi contribué à faire grimper les chiffres; grâce aux 3 nouveaux vols hebdomadaires instaurés l’automne dernier par WestJet, au départ de Toronto. Maurice Perrinmarechal, président de l’ association des hôteliers de Saint-Martin et directeur de l’ hôtel Beach Plaza (situé dans la baie de Marigot, en partie française) expliquait que l’ arrivée de Westjet sur le marché avait eu beaucoup d’impact, à plusieurs niveaux.

« Auparavant (avec uniquement les vols de Transat), on ne voyait les Canadiens (et surtout les Québécois) que dans quelques hôtels tout-inclus… Et tout le monde ici les associait uniquement à ce marché! » « Mais avec l’arrivée de West Jet , expliquait-il, la dynamique a beaucoup changé! Et selon lui, pour le mieux…. « Les grossistes ont commencé à proposer un plus large éventail d’hôtels de tous les genres et de toutes les tailles. Résultat : plusieurs hôteliers ont connu une augmentation de visiteurs Canadiens et ont surtout commencé à les percevoir différemment; en découvrant que plusieurs s’avouaient prêts à sortir des tout-inclus! ». Chose certaine, cette nouvelle dynamique dans le marché canadien semblait réjouir plusieurs hôteliers présents à la conférence de presse. « Uniquement au Beach Plaza, ma clientèle canadienne a plus que doublé cette année »; ajoutait monsieur Perrinmaréchal, qui avoue être très heureux que les Canadiens composent maintenant 15% de sa clientèle (par opposition à 7% auparavant).

Nouveaux hôtels, de chaque côté…

Comme lors des éditions précédentes, les fournisseurs, acheteurs et la quinzaine de journalistes invités au SMART ont aussi eu l’occasion de participer à quelques excursions; histoire de découvrir avec quelle facilité les nombreux traversiers ou vols intérieurs permettent d’aller passer une journée à Anguilla, Saint-Barthélémy ou Saba. Bien sûr, l’île de Saint-Martin elle-même compte aussi 14 casinos (tous dans la partie néerlandaise), plus de 300 restaurants et 37 plages, dont celle de la baie orientale, la seule où le nudisme soit officiellement autorisé… Dédoublement oblige, l’ île compte aussi deux capitales, chacune avec sa personnalité propre. A Philipsburg, la rue Front et la promenade au bord de mer ont été rajeunies mais continuent d’attirer les adeptes de magasinage et d’ achats hors-taxes. Côté français, le drapeau tricolore flotte encore au sommet du fort de Marigot, son port de voiliers et son marché coloré; mais malheureusement, dans l’ affichage, l’ usage du français commence sérieusement à décliner, au profit de l’ anglais, de plus en plus utilisée sur toute l’ île.

Les soirées d’ouverture et de fermeture étaient également l’occasion de découvrir de nouveaux hôtels : ce pourquoi la soirée d’ouverture se déroulait dans le nouveau complexe de Puerto Cupecoy, dont les quatre premières phases sont déjà presque complétées.

Parmi les plus récents et les plus ambitieux projets réalisés dans l’île en ce moment, ce complexe comprend une marina, un centre commercial (avec plusieurs boutiques et un marché gourmand haut de gamme) et 184 condominiums de luxe, dont un pourcentage sera également disponible à la location dès juillet prochain. Le programme de location sera géré par un bureau situé sur place, qui fournira aussi aux visiteurs des services d’entretien et de conciergerie; comme dans un hôtel traditionnel.

Le complexe a été développé par la compagnie Orient Express, qui possède aussi plusieurs autres hôtels ailleurs dans le monde, incluant La Samanna, l’un des plus luxueux de l’île, situé dans la partie française. « Jusqu’ à maintenant, le complexe remporte un vif succès et 75% des condominiums sont déjà vendus »; rapportait Michele Warden, directrice des ventes. « Tous les condominiums possèdent de 1 à 4 chambres, de grands balcons, des salles de bain spacieuses décorées de marbre, des cuisines avec des appareils ménagers dernier cri; et les propriétaires (ou ceux qui les louent) ont aussi accès à la piscine, au gym, aux terrains de tennis, au centre commercial et à la plage, tout près.

« Le programme de location aura aussi son propre réseau de distribution et son service de réservations et les agents de voyages qui y réfèrent des clients auront accès à des commissions », nous apprenaient également madame Warden et son équipe. Côté français, le dernier-né s’ avère le nouvel hôtel Radisson Marina & Spa, qui compte 189 chambres et 63 suites.

Un reportage de Nathalie De Grandmont

A suivre bientôt : le tourisme à Saba, Saint-Eustatius et Saint-Barthélémy.

De nouveaux statuts

Les deux parties de l’île ont aussi connu – ou connaîtront bientôt – des changements politiques. La partie française a changé de statut en 2007 : formant désormais une « collectivité » d’outre-mer, plus autonome et plus libre de voter ses propres lois localement (alors qu’avant, elle faisait partie du département outre-mer de la Guadeloupe). St-Maarten, la partie néerlandaise, s’ apprête aussi à changer de statut pour voler également de ses propres ailes : le 10 octobre 2010. Un peu à l’instar d’ Aruba (indépendante depuis 1986), elle quittera le giron des Antilles néerlandaises (dont le gouvernement est actuellement basé à Curacao) et aura ensuite son propre gouvernement, tout en continuant d’ accueillir un gouverneur représentant les Pays-Bas. Suite à un référendum, les trois petites îles de Saba, Bonaire et Saint-Eustatius ont quant à elles décidé de devenir des « municipalités néerlandaises d’ outre-mer » et se rapporteront directement aux Pays-Bas.